Abousoufiane Elkabouss
Le constat est sans appel. Alors que le Royaume s’apprête à tourner la page du pic estival, un fait marquant intrigue les citoyens comme les professionnels du tourisme : l’absence remarquée des Marocains résidant à l’étranger (MRE). Dans plusieurs grandes villes du pays, de Tanger à Agadir en passant par Fès ou Casablanca, les traditionnels embouteillages de voitures immatriculées en Europe se font rares, laissant place à un calme inhabituel pour la saison.
Ce phénomène, visible à l’œil nu, alimente les interrogations. D’année en année, les MRE constituaient une manne économique estivale précieuse, boostant les secteurs du tourisme, de la restauration et de l’immobilier. Mais cet été 2025, leur présence est nettement en retrait.
Espagne, Turquie, Albanie… des alternatives plus attractives ?
Selon les premiers éléments recueillis auprès de professionnels du secteur touristique, cette désaffection ne relève pas du hasard. Nombreux sont les MRE à avoir préféré passer leurs vacances ailleurs. L’Espagne, par sa proximité, sa qualité de services et ses prix compétitifs, attire de plus en plus de familles marocaines de la diaspora. La Turquie, la Grèce, l’Albanie ou encore la Tunisie enregistrent aussi un afflux de touristes marocains expatriés, séduits par des offres beaucoup moins coûteuses et souvent plus structurées.
« En Espagne, pour le même budget, une famille peut bénéficier d’un hébergement de qualité, d’activités variées, et d’un service professionnel sans comparaison », confie un MRE installé en Belgique, joint par nos soins.
Une désaffection nourrie par des frustrations locales
Au-delà de la question des prix, plusieurs témoignages dénoncent une série de désagréments vécus au Maroc : accueil administratif compliqué, hausse des prix dans les zones touristiques, manque d’organisation dans les infrastructures, et parfois même un sentiment de marginalisation sur leur propre sol.
« On se sent parfois perçus comme des portefeuilles ambulants », regrette une MRE venue de France, qui a décidé cette année de passer ses vacances à Alicante.
Une alerte pour l’économie locale
Cette baisse de fréquentation estivale par les MRE n’est pas sans conséquences. À Agadir, plusieurs commerçants se plaignent d’une chute de leur chiffre d’affaires par rapport à l’été dernier. Même son de cloche à Martil ou à Saïdia, où les locations meublées peinent à trouver preneur.
« C’est un été creux, et cela se ressent directement dans notre activité. Les MRE étaient des clients fidèles et généreux », confie un restaurateur à Casablanca.
Vers une remise en question du modèle touristique ?
La désaffection des Marocains du monde sonne comme un avertissement. Elle invite à une profonde remise en question du modèle d’accueil touristique marocain. Le Royaume ne peut plus compter uniquement sur le lien affectif et patriotique de ses ressortissants à l’étranger.
Il est urgent de repenser les politiques tarifaires, d’améliorer la qualité des services, et surtout, de valoriser cette communauté comme une composante essentielle du tissu national, et non comme une source de devises ponctuelle.
Car si les MRE commencent à tourner le dos au pays pour les vacances, c’est tout un pan de l’économie marocaine qui risque de vaciller à moyen terme
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